Opinion
Retour19 février 2024
Le Mois de l’histoire des Noirs, un instrument pour déconstruire les préjugés!
©Photo : gracieuseté - Jean-Claude Mabiala
Jean-Claude Mabiala
Par Jean-Claude Mabiala, professeur de philosophie au département de sciences humaines de l’Institut maritime du Québec et responsable du comité interculturel - Au Canada, le mois de février est consacré à l’histoire des Noirs. Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
Cette question n'est pas anodine. Si je l'ai posée, c'est parce que l'on a l'impression que certaines initiatives prises pour magnifier ce moment sont cosmétiques, voire expéditives. Je fais référence à celles qui consistent à accrocher des affiches murales sur les personnes noires qui se sont récemment installées au Canada, telles que des politiciens et des artistes, ou à organiser des manifestations festives. En disant cela, je ne doute pas de la sincérité des uns et des autres, loin de là. Je me demande seulement si ces moyens sont les plus pertinents pour souligner cette période de l’année.
Pour la petite histoire, le Mois de l'histoire des Noirs a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes et a pris effet le 1er février 1996. Il vise à éduquer les citoyens canadiens et québécois sur les nombreuses contributions significatives des personnes noires et de leurs communautés à l'histoire et à la croissance continue du pays. Dans cette perspective, on peut s’attendre à ce que, pendant le mois de février, les institutions publiques et privées ne se contentent pas d’apposer des affiches et d’organiser des activités festives, mais qu’elles s’efforcent aussi de faire valoir les contributions des Noirs, des débuts de la colonie à aujourd’hui. Les établissements d'enseignement pourraient notamment appliquer cette suggestion : chaque mois de février, les enseignants pourraient prendre un moment pendant leur cours pour présenter au moins une contribution significative d'un des bâtisseurs noirs du Canada.
Il y a de nombreux exemples à ce sujet. Notons par exemple le cas de Mathieu Da Costa qui a été la première personne d'origine africaine à atteindre le territoire qui sera plus tard le Canada, avec les explorateurs français Pierre Du Gua de Monts et Samuel de Champlain. M. Da Costa, un interprète multilingue qui parlait français, anglais, néerlandais, portugais et pidgin basque, a joué un rôle important dans la communication entre les Européens et le peuple mi'kmaq.
Pourquoi est-il crucial et bénéfique de valoriser ainsi l’apport des personnes noires à l’histoire du Canada? L’une des raisons principales est que cela permettrait de déconstruire les idées reçues, comme celles qui présupposent que les Noirs seraient des arrivistes au Canada ou encore des profiteurs. Figurez-vous que cette rhétorique n'est pas sans conséquence, car certains pensent qu'elle alimente les préjugés et les comportements discriminatoires.
Si les préjugés et la discrimination découlent en partie de l'ignorance, le Mois de l'histoire des Noirs ne doit pas se limiter à des slogans, des affiches ou des activités festives. Il doit servir d'outil pour déconstruire les préjugés en utilisant des faits historiques qui illustrent la contribution des personnes noires au récit national.
En conclusion, la discrimination et le racisme sont des comportements qui empêchent l'intégration. La réussite de l'intégration des immigrants noirs nécessite la participation de la majorité historique, c'est-à-dire leur engagement envers ce projet. Le mois de l'histoire des Noirs au Canada est un moment idéal pour rappeler aux uns et aux autres leur rôle dans le processus d'intégration et les thèmes que mes romans abordent, certains d'entre eux pourraient être utiles à cette fin. De plus, si le passé est garant de l'avenir, examinons les progrès réalisés dans la gestion de l'intégration des immigrants, en particulier des Noirs, aux plans nationaux et régionaux en particulier. Les parties prenantes discuteraient de la gouvernance de l'intégration des immigrants en région, des progrès réalisés, des obstacles rencontrés et des mesures à prendre à l'avenir dans un forum. Je rappelle que la pénurie de logement peut également servir de prétexte pour empêcher les immigrants, en particulier les Noirs, d'obtenir un logement.
« C’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer. » - Amin Malouf
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