Opinion
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Communiqué L'Avantage - redactionrimouski@medialo.ca
Lettre à mon ami l’Archevêque
OPINION - Yvan Chouinard - 23 août 2023
©Photo : archive L'Avantage
Mgr Denis Grondin
Salut, mon ami. Pourquoi je t’appelle « mon ami » ? La raison en est qu’a un ami, on peut tout lui dire. Plusieurs fois, je t’ai demandé qu’on se parle ensemble. Malheureusement, cela ne s’est pas passé. Mais maintenant, je sais que tu me lis. Voilà ce que j’aimerais te dire.
Depuis le mois d’avril, après ma démission et celle de deux autres marguilliers (ières) de la Paroisse Saint-Germain de Rimouski soit la moitié de l’assemblée de Fabrique, je réfléchis à la situation. Tu le sais, les orientations préconisées par l’Archevêché ne nous convenaient absolument pas. L’idée de se défaire du presbytère et de dénaturer la cathédrale nous a littéralement insultés.
Parlons ensemble, tout d’abord de la situation mondiale. Pourquoi ? Lis la suite, tu verras.L’humanité est malade. La guerre est déjà commencée et s’étend de plus en plus. Physiquement, et proche de nous, elle se passe en Ukraine. Cela nous touche beaucoup. Nos cousins européens y sont pleinement impliqués du fait de leur proximité du conflit. Nous aussi, notre frontière nord borne la Russie, il faut en tenir compte. L’Afrique s’enlise également avec le groupe sanguinaire Wagner, suppôt de Poutine. L’Amérique latine n’est pas indifférente aux avances de l’ex-URSS. Enfin, l’empire des É.-U. commence à décliner dangereusement. Conséquence, tous les pays s’arment. L’Allemagne et le Japon, même si leurs constitutions l’interdisent, mettent des efforts considérables en ce sens. L’Europe en général, également. La discorde à l’intérieur de nos Alliés pollués par la propagande russe affaiblit nos institutions. C’est l’approche classique prélude à toutes les guerres. Et tu le sais bien, les armes qu’on fabrique finissent toujours par être utilisées.L’avenir est très sombre.
Pourquoi j’aborde ce sujet ? Parce que je veux te parler de nous. De ce que nous pouvons faire, de ce que nous devrions faire face à cette grande menace. Oui, notre participation est importante.Tous, nous avons à agir dès maintenant. Il est impératif de nous serrer les coudes pour affronter l’adversité. Particulièrement, j’aimerais te faire comprendre la très grande importance de la référence, entre autres, que sont nos institutions et en particulier celle de notre patrimoine, pour espérer nous tenir debout devant le danger qui nous rattrape. « Le patrimoine ? Pourquoi ? » Parce que c’est l’image de la puissance que nous possédons lorsque nous sommes ensemble, de notre résistance dans le temps, de notre grande capacité d’entraide. Lorsque les mauvais jours arrivent, nous nous regroupons dans ces lieux emblématiques et nous nous sentons forts. Ainsi, notre cathédrale, notre diocèse, notre religion, nos institutions et leurs emplacements en sont des éléments majeurs, primordiaux, je dirais même critiques. L’histoire nous l’a tellement de fois démontré. Chez nous, et pour toute la région, pour tout le diocèse, ce ciment rassembleur est matérialisé au centre-ville de Rimouski. Il est là. À nous de le conserver, de l’animer, d’en faire un symbole d’union. Nous, étant l’Archevêché, dans ce cas d’espèce et, aussi, nous de la société civile. Ensemble, nous nous devons de former un bloc unifié, ayant force et grandeur. Tu vois, toi, mon ami, ton rôle y est primordial. Le danger de la guerre n’est pas la seule raison, ça va de soi. Mais cette situation aide à comprendre.
Que de chemin à parcourir parce que nous ne sommes pas un modèle de conservation du patrimoine à Rimouski, métropole de l’Est-du-Québec ! Voyons un peu. Citons la rénovation du palais de justice. Pour moi, c’est un échec ! Une défiguration causée à un si bel édifice. Résultat, un bloc de glace architectural sans âme. Le Musée dédié au naufrage de l’Empress of Ireland situé à Pointe au père. Ouf ! Aucune harmonie dans un environnement si beau. Au centre-ville ? La salle de spectacles, la SOPER, l’accueil touristique. Toutes des structures qui sont à leur place, mais qui jurent par leur manque d’harmonie. Regardons l’hôpital ! Désolé, un patchwork dont l’ensemble est laid, disons-le. Enfin, que fera-t-on des ateliers Saint-Louis et de l’ancien bureau de poste de l’avenue de la Cathédrale ? Je crains beaucoup. Ajoutons la destruction des églises qui fait encore pleurer tellement de gens voyant une grande partie des événements marquants de leur vie effacés, détruits. Désolé, mais j’aime le patrimoine intact.
« Pourquoi, Yvan, me parles-tu de ça ? Tu exagères. On ne veut pas détruire la cathédrale ! » Mon ami, je suis le premier à le souhaiter. Son extérieur, il est protégé, je le sais. Mais, comment faire confiance aux gens présents au dossier qui, pour y laisser leur marque, forceraient la note jusqu’à lui ajouter des horreurs, des aménagements « pas rapport » comme l’exprimerait certainement la relève pour qui nous désirons laisser ces trésors ? Et son intérieur, là je pense bien qu’on se comprend. Son agression, tu le sais toi aussi, est dans la mire de certains. Pour faire quoi ? J’ai peur et j’en tremble. Et le presbytère ? Chef-lieu de la paroisse Saint-Germain dont les premiers registres datent des années 1700. La folie de certains est déjà au rendez-vous et bien ancrée. C’est un cri de l’histoire à conserver que je te lance. Aide-nous, s’il te plait, à stopper ce massacre en devenir.
J’ai peur mon ami. Et je ne suis pas seul. Tu sais, le viol de notre héritage ne peut aucunement permettre d’espérer le rassemblement, l’union, l’entraide, la sécurité, la force. Voilà donc des vertus que nous propose notre patrimoine en nous offrant des endroits où on festoie, où on reconnaît, où on décide ensemble de notre destin, dans le respect du passé, du présent et de l’avenir.
Je sais, je sais. Le phénomène religieux n’est plus à la mode comme auparavant. Il décline. Mais pourquoi donc ? Rappelons-nous, une cathédrale est l’église d’un diocèse, c’est un symbole. C’est la salle d’apparat du prince. C’est là que le prince invite, regroupe les gens pour, aussi, réfléchir. Et vois-tu, la responsabilité du prince est de régner, d’officier les cérémonies, de rassurer, d’encourager, d’aider. Tu es ce prince, mon ami. Alors, explique-moi pourquoi ne pas y avoir été présent lors de la rencontre la plus importante de l’année pour la religiosité catholique, soit celle de la messe de Pâques ? Quelle grande déception pour toutes, pour tous ! Un prince doit se conformer aux obligations que son titre lui oblige. Tu le comprends, je le sais. La salle d’apparat du prince, qu’est la cathédrale dans notre cas, doit être vivante. Ce n’est pas une question de choix arbitraire, c’est une question d’obligation. Une cathédrale vivante participe aux étapes de la vie que sont le baptême, le mariage et le décès. Et il n’est pas ici non plus question de ratatinage des lieux, de demie et encore moins de tiers de cathédrale.
« Pas assez d’officiers pour le faire ! », tu me répondras ! Tu ne peux toujours être présent pour répondre à tous ces besoins. Oui, j’en conviens. Mais je pense bien qu’il serait relativement facile de trouver un ou des remplaçants lorsqu’on parle d’une cathédrale et du prestige qui y est associé. Je peux même en proposer un. Son nom est Jean Charles Lechasseur. Pour superviser tout l’aspect cultuel de la cathédrale, il est celui qui est le plus expérimenté. Il a fait largement ses preuves. Pourquoi ne pas lui demander ? Seulement s’occuper des cérémonies. Rien de plus. On en avait déjà parlé ensemble, tu te souviens ! C’est cela s’unir pour être fort. Chacun ses responsabilités. Qu’en penses-tu ?
Mais la gestion de tout ça est lourde. Tu n’as pas actuellement le personnel expérimenté nécessaire. On le sait et cela porte à conséquence. Lorsqu’il y a de la controverse, les gens compétents ne s’impliquent pas. C’est la normalité des choses. Je l’ai constaté ayant été marguillier pendant un certain temps. Tu ne penses pas que c’est là où l’harmonie devrait débuter ? Les structures sont déjà en place. Et l’objectif commun qui aurait comme base l’idée de lieu de rencontre, de reconnaissance et de souvenir. Le culte, assurément, mais aussi les retrouvailles, les concerts, les visites, les pièces de théâtre, les conférences, les fêtes de reconnaissance. … C’est ce à quoi sert la notion de patrimoine. Tu as déjà lu mes idées à ce sujet. Elles n’ont pas changé parce qu’elles ont comme fondement l’union.
La cathédrale de Dieu, des Hommes et des Femmes. Cela implique également le presbytère et la rénovation du centre-ville avec une grande place de rassemblement. Des milliers de personnes coude à coude s’unissant pour atteindre un objectif commun. Tu le sais. L’emplacement unique que nous possédons à Rimouski est déjà là et fonctionnel. Facilement aménageable. Un endroit pavé avec une fontaine. Voilà, comme on en voit partout en Europe, et partout aussi ailleurs dans le monde. La recette est expérimentée et serait rassembleuse à Rimouski, nous en convenons toutes et tous.
Soudés par le patrimoine, image de la résistance, par l’espace de rassemblement, image de la force d’être ensemble et par la multifonctionnalité des lieux, image de notre union, ce serait là une recette unificatrice. C’est l’évidence même.
Mais faut-il encore se structurer, n’est-ce pas mon ami ? Tout est là. La Fabrique avec son droit de propriété, l’Archevêché, toi en avant réalisant ton métier de prince de l’Église, soit celui de régner, la Société civile avec l’OBNL restructuré rassemblant tous les experts requis en finance, en culture, en tourisme, et la Ville avec sa capacité de créer un ensemble beau, simple, fort, animé et rassembleur dans la place centrale de Rimouski. Se donner ensemble un objectif ultime où chacun aura son rôle à remplir, sa spécialité. Tu dois bien le savoir, la gestion c’est cela. Toutes les structures gagnantes du monde ont ce type d’organisation.
Allons, mon ami, rassemblons les forces que nous possédons à Rimouski pour agir ? Je décèle bien que tes directives provenant des structures supérieures de l’Église catholique consistent à refiler aux municipalités les temples des villages et de privilégier le modèle évangéliste des petits rassemblements de discussion de la bible. Sache que moi et beaucoup d’autres, nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette façon de faire. Nous ne nous sentons pas attirés par le phénomène évangéliste américain, ni pas celui des Témoins de Jehova. Le Catholicisme, au fil de l’histoire, et avec un pape fort, a créé notre civilisation de chaque côté de l’atlantique et a contribué à lui donner la force qui nous habite. Je comprends qu’il y a eu des erreurs, mais notre devoir de maintien de notre civilisation imagée par notre patrimoine et la mixité des efforts n’est que la seule solution possible confrontée à cet avenir si inquiétant pour nos enfants. Le temps est venu de serrer les coudes face à l’adversité.
Vois-tu, mon ami, les enjeux décrits ici, dans notre dossier, se situent au niveau de l’Église catholique de l’Archidiocèse de Rimouski. C’est là l’espace qui nous est confié pour agir.
La fébrilité des gens avec qui j’en discute ne fait aucun doute sur le fait que la cathédrale doit conserver son rôle cultuel et rassembleur, la Fabrique de la paroisse Saint-Germain, son rôle de propriétaire, l’OBNL déjà en place, son rôle de représentant de la société civile, responsable de la gestion opérationnelle et de la gestion matérielle de l’ensemble et, enfin, de la Ville, son rôle de responsable des lieux de rassemblements extérieurs situés dans son centre-ville.
Convenons-en. Cela est une question de dignité.
Mon ami, je me fais le porte-parole de tant de gens pour te supplier d’habiter pleinement ta destinée de prince et de rassembleur. Notre avenir et l’histoire t’en seront infiniment reconnaissants.
Yvan Chouinard
Ton ami.
Le 23 août 2023
Commentaires
3 septembre 2023
Roger Harvey
Monsieur Chouinard, j’aimerais bien avoir votre confiance envers votre ami, mais pardonnez-moi de vous dire que je n’ai aucune confiance en votre ami. J’ai bien peur que la cathédrale subisse le même sort que le magnifique presbytère de Saint-Moïse construit en 1895 et démoli en 1985 sous les ordres du curé de l’époque ayant pour conséquence qu’une bonne partie de la population à viré le dos au curé et à… comprenez que c’est terminé.