28 février 2018
Sept députés quittent le Bloc québécois, Martine Ouellet reste

©Photo TC Media-Marc-André Pelletier
Les sept députés dissidents du Bloc québécois claquent la porte et siégeront comme indépendants à la Chambre des communes. Celle dont ils contestaient le style de gestion, Martine Ouellet, a affirmé qu'elle comptait néanmoins rester à la barre du parti.
«Je reste en place. J'ai été élue par les membres du Bloc québécois», a tranché la leader bloquiste en point de presse, mercredi.
La chef Ouellet a affirmé que la porte serait «toujours ouverte» pour les sept démissionnaires, plaidant au passage que son côté «orienté tâche» avait peut-être pris le dessus sur le «côté orienté personne» et que cela avait pu être un irritant.
«Je suis vraiment déçue parce qu'on a une responsabilité au-delà de nos individus, on a une responsabilité envers le Bloc québécois, envers les 20 000 membres du Bloc québécois, on a une responsabilité envers l'indépendance du Québec», a-t-elle dit.
Le caucus du Bloc québécois s'était réuni quelques heures auparavant pour tenter de dénouer la crise.
À son arrivée au parlement, mercredi matin, avec les trois élus qui s'étaient rangés dans son camp (Marilène Gill, Xavier Barsalou-Duval et Mario Beaulieu), Martine Ouellet se disait prête à tendre la main aux sept députés dissidents et à travailler sur sa personnalité.
Elle dit avoir soumis aux sept députés dissidents une proposition de travail plus souple et avoir ouvert la porte à une médiation, sans succès. Ceux-ci ont quitté la salle de réunion peu de temps après le début de la rencontre.
«La journée d'aujourd'hui, ce n'est pas la fin du Bloc québécois», a offert Xavier Barsalou-Duval, l'un des trois alliés de Mme Ouellet, lorsqu'il a pris la parole au même lutrin où ses députés étaient venus annoncer un peu plus tôt qu'ils abandonnaient le navire bloquiste.
«On a tout essayé»
Le doyen du Bloc québécois, Louis Plamondon, qui a lu la déclaration dans le foyer de la Chambre des communes, mercredi matin, n'a pu retenir ses larmes en annonçant l'éclatement du Bloc québécois, entouré des élus qui partent avec lui.
Son collègue Luc Thériault lui a posé la main sur l'épaule pour le réconforter avant de prendre la parole à son tour et affirmer que le caucus «ne pouvait plus continuer à se promener d'une crise à l'autre».
«On était devant deux choses, là, c'est bien bien clair: soit Mme Ouellet partait, ou soit nous, nous partions. Les Québécois méritent (...) qu'on se tienne debout pour eux et qu'on fasse notre job ici», a-t-il tranché.
Disant «trouver ça dur», il a ajouté que la «proposition de fonctionnement» que Martine Ouellet avait à faire aux sept élus dissidents lors de la réunion spéciale du caucus n'avait «rien de nouveau» et que cela témoignait d'un «déni inquiétant».
«Je veux que nos sympathisants, notre monde chez nous, comprenne qu'on a tout essayé. (...) C'est le coeur meurtri qu'on sort aujourd'hui», a tranché M. Thériault.
De retour au micro, le député Plamondon a soutenu qu'il «quitte la chef», mais qu'il «ne quitte pas le Bloc québécois».
«J'ai eu plusieurs crises au Bloc québécois. C'est sans doute la plus profonde», a soufflé celui qui a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1984.
Comprendre le message
Attristé par la situation, l'ex-chef du Bloc québécois Gilles Duceppe invite Martine Ouellet à quitter ses fonctions.
«Je pense qu'il y a un message à Mme Ouellet, 70 pour cent du caucus dit que ça ne fonctionne pas avec elle, a-t-il souligné en entrevue. Elle devrait comprendre le message, me semble-t-il.»
L'opposition entre la souveraineté et la défense des intérêts du Québec est un faux débat, à son avis.
«Ça masque qu'il y a un problème de leadership très clairement et ça masque que préparer la souveraineté, ce n'est pas seulement le dire. Il faut le faire concrètement et éviter des erreurs comme siéger dans un autre parlement que celui où est le parti dont on est le chef.»
Bienvenus chez les conservateurs
Le Bloc québécois est présentement dans sa «phase finale», selon le député conservateur Maxime Bernier qui a tendu une perche aux sept dissidents.
«S'ils croient au Canada, à un Québec fort dans un Canada uni, ils sont les bienvenus», a-t-il affirmé.
«De voir un parti déchiré comme ça, il y a quelque chose de triste parce qu'il y a des milliers qui ont cru, croient en eux et on verra ce qui se passe de leur côté», a pour sa part constaté le député libéral Pablo Rodriguez.
Les jeunes s'invitent
En début de journée, l'aile jeunesse du Bloc québécois avait lancé contre les élus mécontents (Louis Plamondon, Luc Thériault, Rhéal Fortin, Gabriel Ste-Marie, Monique Pauzé, Michel Boudrias et Simon Marcil) une véritable attaque en règle.
Le Forum jeunesse du Bloc québécois (FJBQ) présidé par l'ancienne attachée de presse de Mme Ouellet, Camille Goyette-Gingras, leur avait servi une mise en garde.
«Vous, chers députés, avez un choix à faire. Vous avez une responsabilité, une redevabilité envers le mouvement indépendantiste, le parti, les militants qui vous ont fait élire et les membres qui travaillent chaque jour à promouvoir le Bloc», disait le communiqué.
«Il serait FORT dommage qu'une fois de plus, vous vous placiez en porte-à-faux avec tous ces gens qui soutiennent le parti et qui soutiennent la cause. Vos actions susciteront véritablement des réactions et des conséquences qu'il faut à tout prix éviter», ajoutait-on.
Cette nouvelle crise, la deuxième depuis juin, a été déclenchée par la démission du député Gabriel Ste-Marie de son poste de leader parlementaire en Chambre, une semaine après le conseil général du parti où Martine Ouellet a prononcé un discours controversé.
Elle disait alors sentir de la résistance au sein de son parti et vouloir changer les «mêmes recettes qui sont là depuis 25 ans» pour remettre l'indépendance au centre des actions bloquistes.
Mylène Crête et Mélanie Marquis, La Presse canadienne
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